Légendes Inachevées - Epilogue

Au royaume d'Ys, on raconte une fable depuis que la Terre est Terre et qu'A'Tuïn le Sage a créé les Neuf Mondes :

Avant la naissance des Hommes, les animaux et les plantes vivaient en parfaite harmonie avec la nature. Chacun avait sa place et personne ne contestait l'Unique. A part peut-être le Scorpion, qui, comme chacun le sait, a toujours eu une ambition démesurée au regard de sa taille. Depuis toujours, le Scorpion voulait dominer le Monde. Un jour, il demanda au Corbeau son ami :
- Sais-tu comment je pourrais m'y prendre, mon bon ami ? Si tu as quelques idées, elles seront les bienvenues et je saurai te récompenser.

Le Corbeau du haut de son perchoir lui répondit :
- Vas donc au Pic Urdyg'Ep, c'est l'endroit le plus élevé de la Terre d'Ys. De là, tu pourras dominer le Monde.

Voilà une excellente idée se dit le Scorpion et il se mit en marche.
- Au fait, est-ce loin ? demanda-t-il en partant.
- Oui, mon frère, c'est très loin. Tu devras traverser le désert de Goby, puis passer les Marais Salissants, survivre aux froids mordants de la Toundra Vahypa et enfin gravir les pentes escarpées du Pic.
- J'y arriverai, assura le Scorpion.

Quelques jours plus tard, le Scorpion arriva au bord du désert de Goby. Là, il aperçut l'immensité desséchée. Et cela lui parut infranchissable. Mais, tandis qu'il réfléchissait à la meilleure façon de s'y prendre, il aperçut un Aigle qui planait dans les cieux. Il l'appela et l'Aigle vint se poser à coté de lui.

- Ô là, Messire l'Aigle, voulez-vous bien m'aider dans la quête ? Si vous m'aidez à traverser ce désert, je vous révélerai mon secret.

L'Aigle, qui devait se rendre de l'autre côté du désert accepta. Surtout qu'il était curieux de savoir quel pouvait être le secret de ce petit animal.
- Très bien ! Montez sur mon dos, je vous conduis de l'autre côté du désert. Vous verrez, avec mes ailes, cela ira très vite par le chemin des airs.

En chemin, l'Aigle ne tarissait pas sur ses magnifiques attributs et vantait au scorpion les qualités inouïes de son plumage. Le Scorpion l'écoutait patiemment. Et tandis qu'ils arrivaient de l'autre côté du déser, l'Aigle se posa doucement...

A peine avait-il posé les pattes sur le sol que le Scorpion le piqua avec son dard empoisonné. L'Aigle s'écroula et le Scorpion lui dit :
- Vois-tu mon ami, je n'ai pas d'ailes mais je peux traverser le désert et bientot, je vais dominer le monde. Voici mon secret ! Et il tourna le dos à l'Aigle agonisant...

Martial ouvrit peniblement les yeux. Il releva la tête et découvrit ce qu'il restait de la salle du conseil. Sur la table en cristal, ou plutot ce qu'il en restait, Ohm contemplait les dégat. Autour de lui, ses compagnons étaitent tous inconscients, leurs corps inertes jonchaient les débris de la catastrophe.

- Ohm tout puissant... que... que.... que s'est-il... que s'est-il passé ?
- Ce qui devait arriver, et que je redoutais
- Alors... alors... c'est... c'est fini... ?
- Oui
- Nous allons... nous allons mourir... n'est-ce pas ? C'est inéluctable ?
- Oui
- Je veux dire... n'y a-t-il réellement plus d'espoir...
- Comment cela ?
- Maintenant... maintenant que nous savons... Que nous savons que la plus grande menace n'était pas celle que nous pensions... nous pourrions...
- Non, nous allons sentir la Vie nous quitter, lentement, inexorablement, il n'y a pas d'autre issue possible.
- Vous... vous le saviez ! Vous le saviez n'est ce pas ?! Depuis, le début, vous saviez que cela se terminerait comme ça !!
- Oui
- Et vous n'avez rien fait
- Non
- Et maintenant nous sommes condamnés. Pour nous, le sort est scellé
- Oui
- et pour eux... ?

A'Tuïn avait refermé les portails car cela était trop dangereux. Imaginons que certains utilisent ces portes pour passer d'un monde à l'autre à des fins malfaisantes. Cela pourrait tout simplement engendrer la fin des Neuf Mondes en créant des confusions et des fausses spirales. Non pas qu'A'Tuïn soit particulièrement enclin à pourvoir au bonheur et à s'occuper avec tendresse et compassion de ses créations, mais il en allait clairement de sa propre survie et A'Tuïn était particulièrement sage et savant pour voir arriver ce qui pourrait causer sa perte...

Les portails furent donc scellés et les clés furent détruites. Désormais il est impossible de passer d'un monde à l'autre. Clairement impossible. sauf si... A moins que... A moins de disposer d'un Passeur....

L'Homme se releva brusquement et s'assit dans son lit. il faisait sombre. La nuit était deja bien entamée. Et puis il y avait eu ce rêve. Cette voix. Terrible. Terrifiante. Qui lui ordonnait. Une injonction fatale. Et si tout ceci était vrai. Y avait-il réellement un risque. Pouvait-il sauver le monde ? Pouvait-il sauver les Neuf Mondes ? En était-il capable ? Seul, il ne s'en sentait pas la force. Il ne pouvait rien faire seul. Mais avec eux. Avec les chimères qui hantent ses nuits. Avec ces semeurs d'espoir. Au crépuscule...

L'Homme se rallongea et ferma les yeux. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour prendre sa décision. Il pouvait se rendormir. Il savait même ce qu'il devait faire. C'était sa tâche. Sa mission. Il l'avait acceptée. Et était donc devenu... un Passeur...